Convenir du lieu de résidence habituelle lorsqu'on divorce à l'international

En matière de divorce international, la question de la résidence habituelle a des impacts conséquents sur de nombreuses décisions. Libre-choix des intéressés ? Critères à prendre en compte ? Découvrez dans cet article les règles qui sous-tendent sa détermination.

Je divorce : pourquoi et comment définir la résidence habituelle de mon couple ?

Vous divorcez. Votre couple a comme particularité d’être binational ou expatrié. Votre famille a toujours vogué entre plusieurs foyers. Soyez vigilants ! Avant toute chose, accordez-vous clairement sur la résidence habituelle de votre ménage, ou, autrement dit, son domicile principal. Cette indication de rattachement a d’importantes incidences sur la procédure : déjà, il établit la juridiction compétente pour statuer sur la dissolution du mariage. D’autre part, il oriente les décisions de garde des enfants, de pension alimentaire et de répartition des biens. Mais, attention ! Déterminer la résidence habituelle en matière de divorce international n’est pas si simple et peut devenir source de contentieux ! Sylvie Mombellet, votre avocate-conseil, spécialiste en droit international de la famille, vous détaille les spécificités et les évolutions de cette notion juridique majeure.

Ma résidence habituelle est l’endroit que j’occupe à long terme !

Pas si sûr… Effectivement, il est d’usage de définir la résidence, par l’endroit où une personne passe la plupart de son temps. À ce titre, diverses activités peuvent être considérées pour établir les preuves de la constance de fréquentation : le travail, la scolarité des enfants, la vie sociale, les loisirs et la présence de biens immobiliers…

Cela dit, vous devez savoir que le terme de « résidence habituelle » est une notion autonome de la législation européenne. Cela signifie que son sens est propre aux lois de l’Union européenne, distinctement de celle du droit national d’un pays membre. Le règlement « Bruxelles II bis » du 27 novembre 2003 en a fait son critère central, mais sans pour autant en donner une définition juridique claire. Le règlement Bruxelles IIter du 25 Juin 2019 remplaçant le règlement Bruxelles IIbis n’a pas non plus donné de définition de la notion de résidence habituelle. Le 25 juin 2019, le règlement « Bruxelles II ter » revient encore sur la notion de résidence habituelle mais sans la définir plus précisément.

Son appréciation dépendait alors de la libre interprétation des experts, ce qui posait problème, précisément dans le cadre de divorces multiculturels. Avocats et tribunaux s’aidaient des délibérations antérieures de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) pour réussir à l’identifier. Depuis lors, d’autres jugements ont permis de peaufiner la notion.

Mais alors ? Que précise la jurisprudence ? 

Au gré des instructions qui se sont tenues depuis, la CJUE a pu affiner et clarifier des critères constitutifs. De nouvelles décisions ont fini d’élaborer des principes juridiques pertinents. La décision consignée par l’arrêt du 25/11/2021 apporte une évolution majeure à ce principe.

Deux préceptes sont à retenir pour caractériser la résidence principale des époux :

  1. La volonté du concerné de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé.
  2. Une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l’État membre impliqué.

Comprenez ici que l’intentionnalité de l’individu devient le marqueur distinct du choix de la localisation d’attachement.

Vous divorcez à l’international ? Si la question de la résidence habituelle est cruciale, celle de la nature de votre régime matrimonial peut soulever d’autres problématiques juridiques. Consultez notre article « cas pratique » consacré à la mutabilité automatique du régime, en cas de déménagement à l’étranger : « Cas pratique #1 – Le double-effet Brexit »

 

Histoire belge : démonstration de la Cour de cassation par l’exemple

Cas pratique d'un divorce de couple belge résidant en partie en France - photo Chris Liverani pour Unsplash

Ce cas pratique illustre les effets de la jurisprudence européenne. Deux Belges, unis dans leur pays natal, possédaient deux résidences : l’une dans leur patrie, l’autre en France. En 2020, madame présente une requête en divorce devant un juge aux affaires familiales français. Ce dernier n’a pas les faveurs de l’époux, qui lui préfère un magistrat belge. Pour légitimer leur établissement en Belgique, monsieur a alors avancé les arguments suivants :

  • le couple y a toujours effectué de courts séjours ;
  • il y a aussi conservé des intérêts administratifs et financiers (comptes bancaires, allocation chômage, impôt sur le revenu, sécurité sociale…)

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 30 novembre 2022, a rejeté le pourvoi. Selon les critères fixés par la CJUE, les éléments avancés étaient insuffisants pour caractériser la résidence belge comme habituelle. Étant donné que :

  • Les époux ont réalisé la quasi-totalité de leurs dépenses courantes dans une région située en France ;
  • ils ont développé, au même endroit, leur réseau relationnel et amical ;
  • la villa dans laquelle ils s’étaient installés et où ils avaient notamment entrepris des travaux de réparation et d’entretien, y était aussi localisée ;

La Haute autorité a donc retenu la résidence française comme usuelle. C’est la somme des éléments préalablement listés qui a abouti à déterminer que les prévenus avaient eu « la volonté de fixer […] le centre habituel de leurs intérêts en y menant une vie sociale suffisamment stable. » 

Consultez l’arrêt intégral >ici.

La nouvelle interprétation de la CJUE constitue une avancée majeure pour les cas de divorce de citoyens européens et impacte la prise de décisions inhérentes. Son appréciation jouit de plus de flexibilité et tient compte de la complexité des contextes familiaux modernes. Dans ce domaine en constante évolution, recourir à un spécialiste en droit international de la famille est important pour obtenir une aide professionnelle. Votre avocate, Sylvie Mombellet, est en mesure de vous apporter le conseil adapté à votre situation.

Prenez contact pour exposer votre cas.

Retrouvez d’autres conseils pratiques dans la rubrique actualités du site internet de Sylvie Mombellet et restez informé·e des nouveautés juridiques en la suivant sur LinkedIn.

 

Sources :

www.courdecassation.fr

www.legifrance.gouv.fr

curia.europa.eu

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  • droit international privé

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